Dans cette dystopie, Paris est tombé sous le joug d’un régime autoritaire. La France est donc sujette à la pauvreté, à la misère. Tous les citoyens sont sous surveillance, fliqués dans leur intimité. Les hauts dignitaires ne sont bien évidemment pas touchés par ces tristes affaires, qui s’abattent sur le peuple… Le personnage central de cette intrigue est un courtisan, qui se rend fréquemment chez la Comtesse de Roquefeuil. Cette riche femme se paie le luxe de fréquenter Lazare — le protagoniste.
Tout d’abord ignorant, le développement du personnage prend un virage inattendu. En effet, bercé par les mensonges d’un gouvernement corrompu et prêt à tout pour cacher ses secrets, Lazare va petit à petit comprendre qu’il s’est fait manipuler du début à la fin. Dans ce roman, le héros souffre. L’auteur jongle avec l’empathie qu’il suscite chez le lecteur, afin de pouvoir l’impliquer émotionnellement dans cette folle histoire… Le Dernier Soulèvement, c’est aussi une affaire de pouvoir et de causes politiques majeurs.
Gertrud, éminente scientifique experte dans son domaine annonce aux Bio-Révolutionnaires que la tendance a changé : le climat est en train de s’améliorer. Cette nouvelle a tout pour plaire, mais pas pour ceux et celles qui jouent aux marionnettistes avec les Parisiens. En effet : le but de la Biorévolution est d’utiliser les dangers de la planète, pour pouvoir asservir le peuple.
Ainsi, les citoyens sont contraints de faire la queue pour une douche rapide, l’eau est devenue un véritable luxe. C’est déjà le cas dans de nombreux endroits sur Terre. Un tel constat est dramatique, surtout en 2023 — à l’ère où nous pouvons étudier l’astrophysique, créer des Intelligences artificielles de plus en plus performantes. Définitivement, Sébastien Garnier a puisé toute la complexité de l’humanité et ses différentes nuances, afin de s’en inspirer pour enrichir le « lore » de son texte unique en son genre. Il est indéniable que le livre réunit des thématiques et des questions qui seront très probablement d’actualité dans le futur.
Après tout, Jules Verne a été une figure novatrice et quasiment prophétique de l’avenir. Le Nautilus, le sous-marin électrique de Vingt mille lieues sous les mers a été imaginé une dizaine d’années avant sa création. Il en va de même pour le téléphone, la vidéoconférence, la capsule spatiale, y compris les drones. Le roman d’anticipation et la science-fiction sont des ressources précieuses de la littérature, et Sébastien Garnier présente ici une belle réussite. Il serait facile et déplacé de détourner l’œuvre, en lui attribuant un caractère réactionnaire et même opposé à l’activisme écologique.
En effet, c’est d’ailleurs l’inverse du propos de l’auteur. Cette œuvre est un pur produit de l’imaginaire étoffé de l’artiste : toute cause, aussi juste soit elle tombe dans le fanatisme, lorsqu’elle est poussée à son paroxysme. Quand elle n’est plus pensée pour le bien-être de tous, et surtout, en respectant la dignité et la liberté de chacun. Qu’est-ce qu’être libre ? Ce roman très agréable à lire est un « page-turner », comme dit l’expression. Il vous sera impossible de stopper votre lecture ou bien de l’interrompre, tant que vous n’aurez pas le fin mot de l’histoire… Et quelle histoire ! Entre trahisons, rebondissements, scènes particulièrement intenses et manifestations, le lecteur est subjugué par les images qui sont décrites à chaque chapitre.
L’intrigue principale gravite autour de Lazare, qui connaît un développement très intéressant… Dans cet ouvrage bien construit, le ministre Valdeck incarne un antagoniste menaçant, charismatique et terrifiant. Son lien avec « Mère » est même un brin incestueux. Cette Intelligence artificielle est la cheffe absolue, une espèce de divinité. Cette créature est à la fois humaine, mais aussi synthétique, puisqu’elle est une IA dans un corps organique.
Les écologistes radicaux sont donc prêts à tout : tuer, empoisonner, pour pouvoir régner et maintenir la Révolution. Voilà qui rappelle la Terreur : lorsque les nobles se faisaient décapiter, là où l’humanité transcende le bon sens. Dans ce chaos, le lecteur lui-même se demande si la réaction de Lazare est vraiment juste. Une chose est certaine : la force de la nature est bien plus écrasante que nous. Pourtant, l’espèce humaine est à l’origine de problèmes écologiques, n’en déplaise aux climatosceptiques.
Quand l’ex-président des États-Unis Donald Trump a affirmé qu’il pensait que le réchauffement planétaire n’était qu’une de ces « fake news », de nombreuses personnes se sont indignées et ce — à juste titre. Le roman de Sébastien Garnier est une ode à l’équilibre : une découverte fracassante, qui marque l’esprit et laisse rêveur. Lorsque l’histoire s’achève, le retour à la réalité est violent, mais c’est précisément pourquoi ce récit mérite d’être acclamé et reconnu.
Sébastien Garnier est vraiment un auteur à encourager, peut-être qu’une suite est prévue ? On l’espère bien.
Le site de l’auteur : http://sebastien-garnier.com/