Les passagers : une longue immersion qui traite intelligemment le deuil et l’obsession

Aimez-vous les confiseries ? On entend déjà répondre les fans de Willy Wonka de Charlie et la Chocolaterie publié en 1964, écrit par Roald Dahl et adapté sous toutes les formes. Le long-métrage a traumatisé de nombreux jeunes. Les générations nées dans les années 2000 pourront en témoigner, surtout concernant la version de Tim Burton.

Ce film pour enfants aux accents de « fantasy » suit des personnages à la morale douteuse aux destins parfois tragiques. Du sucre, de la magie et des êtres spéciaux : c’est exactement ce que le lecteur trouvera dans Les Passagers, le premier roman de l’auteure Julia Brandon.

En réalité, le synopsis reprend des éléments certes classiques et déjà exploités, pour en faire un melting-pot de références artistiques et culturelles des plus savoureux. L’originalité de cet ouvrage volumineux repose sur les changements de points de vue et ses nombreuses chutes. L’auteure joue avec les émotions du lectorat, pour l’entraîner où elle le souhaite. D’abord, présenter le parcours difficile d’un enfant est un choix plutôt osé, puisque la jeunesse incarne la pureté. Les petits héros du roman Les Passagers ne seront pas épargnés par la cruauté des adultes. Par exemple, Félix se découvre des pouvoirs surnaturels inexpliqués. Il met en lumière les manigances de son professeur, le revêche et lunatique Gustave. Ce dernier n’a pas eu une vie aisée… Et c’est aussi un « élu » : un de ces mages très puissants, qui voient le monde autrement.

Sous une plume orale, très facile à comprendre pour tous et sans descriptions à rallonge, l’auteure laisse une grande place à l’imagination. Les personnages sont beaux et bons, certaines mauvaises graines vont vite attirer les soupçons… Gustave est un des héros du roman. Il est tout simplement brisé par le décès tragique et précoce de sa petite Nejma. Elle n’avait que cinq ans, c’est lui qui l’a retrouvée dans un cours d’eau. Malheureusement, le père n’a pas la certitude qu’il s’agit bien d’une noyade. De toute façon, il est déterminé à utiliser des confiseries magiques, lui permettant de remonter le fil du temps pour sauver Nejma. Rendu obsédé et ne voyant aucune autre issue, Gustave se met en tête de changer cette vie. De plus, sa femme Mathilde n’a pas survécu à la perte de l’enfant. Seul, il n’a que ses élèves… Et surtout Félix, qui a bouleversé son existence. Derrière une famille supposément parfaite et lisse se cachent des fantômes dans l’ombre ! On parle de « squelettes dans le placard », l’expression est ici bien choisie.

Le maître Gustave va prendre l’apprenti Félix sous son aile et le présenter au monde très fermé des élus magiques. Ils possèdent tous un pouvoir en particulier, accentuant leur différence. Ravi de trouver un peu de soutien et surtout une oreille tendue, le petit Félix est en joie. Malheureusement, le climat au sein de la maison n’est pas des plus sereins. Surtout que le fils se sent rejeté, mis à mal en comparaison avec sa sœur Caméo, toujours défendue par le père.

Dans ses tentatives vaines de vouloir ramener Nejma, Gustave est prêt à tout. À force d’insistance et de volonté ferme, le mage déterminé réussira-t-il à ressusciter son enfant disparu ? Évidemment, pour chaque rituel de résurrection, il existe sa part d’ombre… Le prix à payer vaudra-t-il vraiment le coup ? Est-il possible de sauver tout le monde ? Ce superhéros de roman fantasy est ambigu. Gustave n’est pas seulement le protagoniste central de l’intrigue. Son comportement lunatique et ses prises de décision osées et dangereuses font de lui une représentation dynamique. Alors qu’au début du récit, il est traité comme un professeur triste, celui-ci gagne en force. C’est dans l’espoir et le courage qu’il persévère, sans jamais abandonner. Parfois, cette volonté de fer a un impact négatif sur son entourage.

Au sein des nombreux sujets choisis par l’auteure Julia Brandon, le symbolisme est abordé avec simplicité. Le papillon évoquant la métamorphose, le changement — les sucreries, intimement liées à l’enfance et à la nostalgie. Gustave devrait-il se résoudre à accepter le décès de sa fille ? Puisqu’il est mage, il a les compétences et l’audace d’essayer de se dresser face à la Mort. De multiples citations et cas de figure présentés au cours de l’histoire sonnent comme des portes entrouvertes, qui ne demandent qu’à être exploitées. Cela pourrait donner envie à l’écrivaine de se lancer dans une suite ou dans des nouvelles, qui pourraient compléter les interrogations qui demeurent, suspendues dans les cœurs des lecteurs. L’ouvrage est disponible en format broché ainsi qu’en version numérique.

Edition : Le Lys Bleu

ISBN : 979-1037736116

Nombre de pages : 300