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Le cadre de l’intrigue se déroule majoritairement dans le Nord de la France. Le Quesnoy est une petite commune rurale : les villageois qui y vivent subissent la crise des années 90. Les supermarchés s’installent en masse dans des secteurs plus ou moins riches.
Le statut du personnage principal, Jérôme Janin est relativement aisé : c’est un bourgeois qui connaît une crise existentielle majeure, à la suite d’un licenciement abusif. Pourtant sous la protection d’un beau-père qui cache bien son jeu, Jérôme n’a d’autre choix que de remettre en question sa vie entière. Est-ce que cette femme décédée dans un accident et qu’il avait épousée l’aimait vraiment ? Face à tant de tragédies, dont l’éloignement de sa propre fille, Jérôme songe à son passé difficile.
Déjà enfant, le destin n’était pas tendre avec ce petit : sa mère est morte en couche, laissant une fille prénommée Justine. Les deux gosses ont aidé leur père à travailler dans une boulangerie traditionnelle, qui pétrit encore le pain à la main, selon le protocole et le savoir-faire des anciens. Le vertige qui s’ensuit le pousse à envisager des travaux, au sein de cette maison qu’il va bientôt abandonner. Sans le dire à personne, il prévoit de vivre dans le cellier : la carrière de craie.
Le titre du livre prend tout son sens, car c’est cette obsession pour ce refuge à en devenir qui va le mener à découvrir des évènements et des réalités qui dérangent.
Loin de sombrer dans le déni, traumatisé, mais renforcé par la soif de vengeance, Jérôme réalise que les personnes qu’il a longuement admirées cachent un double jeu. Parmi eux, de véritables dangers publics rôdent. Triste constat qu’est celui de faire confiance à un imposteur !
Retour vers le passé
Alors qu’il met tout en place pour pouvoir poursuivre et entretenir son statut d’imposteur, il découvre des traces perturbantes et témoignages glaçants de sa vie d’avant. Comme si le passé se révélait à lui, d’une manière presque divine. Comment réagir, quand on se rend compte que toute la vie que nous avons menée jusqu’ici n’est qu’un tissu de mensonges ? Déterminé à faire face aux images qu’il a lui-même façonnées par lâcheté sans doute, Jérôme garde en mémoire des souvenirs troublants et dérangeants.
Comble de l’horreur : une découverte ignoble pourrait menacer la popularité injuste, cultivée par un personnage central de l’intrigue. Sans dévoiler de plus amples informations à son sujet, Jérôme va entreprendre des démarches, pour le faire descendre de son piédestal. Afin d’y parvenir, il cherchera l’aide de sa sœur, dont il n’est pas si proche que ça. Dans une ambiance sordide, souillée par un intégrisme religieux étouffant et des abus en tous genres, le frère et la sœur se retrouveront pour construire à deux un futur incertain.
Dans ce roman prenant et rapide à lire, l’auteur ne mâche pas ses mots. Parfois, la notice pour réussir son avenir dépend des indices renvoyés par le passé lui-même. Aux frontières du spirituel, ce guide est une leçon de vie où l’empathie est de mise. Impossible de rester insensible à la combativité de ce Jérôme, aidé et épaulé par sa communauté. Ce texte est la parfaite représentation du proverbe « la roue tourne ». Parfois, celle-ci se coince !
L’autre thématique principale de ce récit dramatique est le pardon : « se pardonner » à soi-même pour les erreurs commises et les potentielles réussites étouffées dans l’œuf.
Une œuvre de qualité
Ce texte vivant et riche en problématiques diverses et variées est une fenêtre ouverte, donnant sur une France en crise. Celle qui n’est ni pauvre ni richissime. La solidarité des campagnes y est subtilement évoquée, sans démagogie. La plume et le style de l’écrivain derrière cette chronique factice aux airs de journal intime donnent envie au lectorat d’en apprendre plus sur les enquêtes et ses productions existantes.
Malgré la présence de coquilles et un travail de correction bâclé e de la part de la maison d’édition, les chapitres aérés permettent une expérience de lecture agréable : les 34 chapitres se lisent de manière fluide, sans perdre le lectorat dans une foule d’informations inutiles. Chaque élément est abordé afin de composer une toile plus complexe : celle de l’existence simple de personnes du Nord, délaissées par la métropole.
Une ambiance et des enjeux dramatiques, qui rappellent le single de Kamini « Eul’Vraie France », le rappeur connu pour son tube humoristique « Marly-Gomont » en 2006 : « Toujours les derniers servis, Eul’Vraie France. Marre d’avoir à survivre, Eul’Vraie France. »
Le livre de Jacques Neirynck met le doigt sur des problématiques atemporelles, qui touchent tout le monde.
La carrière de craie / Auteur : Jacques Neirynck – Editeur : Harmattan – Date de parution :
17/09/2020 – ISBN : 978-2-343-21003-2 – Nombre de pages : 208 – 19,50€ Broché / 14,99€ e-book
Site de l’auteur : www.jacques-neirynck.com