Au sein de Paris, l’émancipation des nourrices du XVIIIe siècle !

1743. Marguerite fait partie de la classe sociale la plus pauvre. Pour gagner de l’argent, elle vend son lait. Comment ? En allaitant des bébés de bourgeois, d’abord des alentours, puis en allant les chercher à Paris. Cette dernière méthode, plus éprouvante mais aussi plus avantageuse, lui permet de beaucoup mieux gagner sa vie.

Nous sommes à la moitié du XVIIIe siècle, en Normandie. Les femmes comme Marguerite, faisant partie de la classe sociale la plus pauvre, n’ont pas beaucoup de moyens de gagner de l’argent, encore plus fortement lorsqu’elles sont mères. C’est tout juste si elles parviennent à trouver le temps pour aider leur mari à la ferme. Alors Marguerite est devenue nourrice. Dans un premier temps, elle élève les nourrissons de son seigneur. Mais très vite, elle découvre qu’un nouveau phénomène prend de plus en plus d’ampleur : de nombreuses nourrices font le voyage jusqu’à Paris pour aller chercher des nourrissons parisiens à allaiter, qui sont bien plus rentables.

En effet, les bourgeoises parisiennes veulent toutes se plier à la mode du moment : faire élever son nourrisson à la campagne. Cela leur permet de ne pas s’exclure de la bonne société trop longtemps. De plus, la natalité est en pleine explosion à Paris, et l’hôpital des Enfants Trouvés se remplit fortement (d’enfants légitimes que les parents ne peuvent pas élever, et d’enfants illégitimes abandonnés).

En allant chercher des enfants à allaiter à Paris, et en y ajoutant les enfants dont elle continue à s’occuper même après le sevrage, Marguerite pouvait espérer gagner jusqu’à vingt-et-une livres par mois, là où certains hommes en gagnaient trente. Ce métier, bien que fatigant car il nécessitait que Marguerite enfante tous les deux ans pour avoir du lait, était également une grande chance.

Cela lui permettait d’avoir un revenu mensuel décent, et ainsi accroître grandement le niveau de vie de son ménage. La fonction de nourrice, qui était de mieux en mieux organisée, devenait un métier à part entière. Et bien évidemment, il était réservé au femmes. Il nécessitait un savoir-faire particulier et une bonne gestion du quotidien qui était très surveillée par le curé du village qui était devenu le garant de cette grande organisation.

En plus d’apporter un second salaire au ménage, Marguerite et les autres nourrices éprouvent un sentiment de liberté pendant leur voyage à Paris. En effet, pour la majorité d’entre elles, leur premier trajet est le tout premier sans parents, sans mari, ni prêtre. Et tout ce qu’elles découvrent de nouveautés à la capitale sont autant d’idées nouvelles qui agrémentent les sujets de conversation et leur culture.

Le métier de nourrice au XVIIIe siècle aura donc été un véritable tremplin à l’émancipation des femmes. Cela leur aura permis d’augmenter leur niveau de vie mais aussi de voir les choses autrement. À cela s’ajoute le contexte historique, qui va voir les mœurs évoluer. Petit à petit, les français vont se détacher de l’Église qui a jusque-là toujours guidé les conduites quotidiennes.

Avec « Au Sein de Paris », Christian De la Hubaudière nous propose un roman historique passionnant, très documenté, qui nous emmène de 1743 à 1791. On y suit l’évolution du métier de nourrice, mais pas seulement. Tout ce qui touche à la famille de Marguerite est décrit, la vie au quotidien, les métiers de faïenciers et de dentellières, ainsi que le contexte historique très fort de l’époque. Une merveille !

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